Sur les 36 docteurs de l'Église, on dénombre quatre femmes. Il ne pouvait en être autrement pour Thérèse d’Avila, Catherine de Sienne, Thérèse de Lisieux et Hildegarde de Bingen.
Catherine de Sienne (1347-1380), italienne, est une tertiaire dominicaine mystique. Ses écrits, et principalement Le Dialogue, son œuvre majeure, forment un ensemble de traités dictés lors d’extases, qui marquent la pensée théologique. Appréciée pour sa simplicité mais également sa ténacité, elle n’hésite pas à s’impliquer dans le contexte politique et religieux tourmenté de son époque. Que n’a-t-elle pas fait pour ramener d’Avignon à Rome le neuvième et dernier pape, Grégoire XI, à s’y être réfugié ; à chercher à rétablir l’unité et l’indépendance de l’Église. Les correspondants de ses missives — près de 300 — sont des plus variés : papes, cardinaux, prince des divers États italiens, hommes et femmes, riches et pauvres… Elle attire, bouleverse, entraîne… Autour d’elle, les conversions se multiplient. On se réconcilie aussi beaucoup. Il n’y a pas de doute, elle sait convaincre. Un pouvoir que les dominicains attribuent à « un solide bon sens, un jugement clair comme une eau de source ». Catherine de Sienne est pour l’Église l’enfant prodige du Bon Dieu, l’exemple de l’équilibre entre la prière et l’action, qui lui a valu un autre titre : celui de patronne de l’Europe, aux côtés de Cyrille et Méthode, et sainte Brigitte de Suède, par Jean Paul II, en 1999.
C’est en 1997 que tombe enfin la nouvelle. La carmélite Sainte Thérèse de l’enfant Jésus et de la Sainte Face (1873-1897) est élevée au rang de docteur de l’Église. En lui donnant ce titre, Jean Paul II fait d’elle la plus jeune de tous les docteurs de l’Église. Un titre dont avaient fait la demande plus de 50 conférences épiscopales à travers le monde, depuis sa canonisation, en 1925. Toutes étaient unanimes : que ce soit en christologie, en ecclésiologie, en œcuménisme, en mariologie ou en spiritualité, Thérèse de Lisieux a toute sa place dans le cursus des études théologiques des futurs prêtres. La nouveauté de sa spiritualité — appelée la théologie de la « petite voie » de l’enfance spirituelle — inspire nombre de croyants. Elle propose de rechercher la sainteté, non pas dans les grandes actions, mais dans les actes du quotidien, voire les plus insignifiants, à condition de les accomplir pour l’amour de Dieu. Bien que dotée d’un « caractère bien trempé », on lui reconnaît un art de l’empathie d’une rare douceur qui fait d’elle un parfait « docteur de la science de l’amour », comme la définissait Jean Paul II.
La sœur bénédictine mystique allemande, Hildegarde de Bingen (1098-1179), a fait son entrée dans le cercle des docteurs de l’Église en octobre 2012, soit quatre mois après sa canonisation. Benoit XVI, en lui attribuant ce titre, confirme l’exemplarité de sa vie mais aussi le caractère exceptionnel de ses écrits comme modèle pour tous les catholiques. Hildegarde est une femme hors du commun, aux multiples talents. Seule femme musicienne de son époque, ses chants sont à l’image de ses écrits : envoutants et magnifiques. Son livre Le Scivias (« Connais les voies ») relate les vingt-six visions qu’elle eut depuis son enfance. Rédigé en dix ans, il est considéré un chef-d’oeuvre de la littérature chrétienne et un des plus grands livres mystiques de tous les temps. L’Église comprend que cette religieuse, si intime avec Dieu, peut aider à bien gouverner. Elle devient alors la conscience religieuse de la chrétienté de son temps, écrit à tous les grands d’Europe, aux empereurs, aux roi, aux cardinaux, au souverain pontife lui-même… Elle dicte encore et encore… (Livre des Merveilles).
Cinq autres causes de doctorat, au féminin, sont à l’étude : La capucine italienne, Véronique Guilliani (1660-1727) ; la bénédictine allemande Gertrude de Helfta (1256-1302) ; sainte Brigitte de Suède (10302-1373) ; la mystique française Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) ; et la mystique anglaise Julienne de Norwich (1342-1416).
Sabelle Cousturié